Adieu ma Vie:"quand je suis faible, c’est alors que je suis fort"
Lettre ouverte à celui qui ne se reconnaîtra pas
Oui aujourd' hui je dis adieu à la vie, adieu à ma vie. Toute ma vie je l'ai consacrée à ma famille, à mes parents, à mes enfants, à mon mari. Il est parti au travail un matin de ce 2 juin, pour ne plus revenir, sans me le dire en face.
Toute ma vie je n'ai pas su être égoïste aussi aujourd'hui je veux partir, vers cet endroit d'où l'on ne revient pas mais qui ne peut être pire que ce que je vis.
Nous voulons toujours ce que nous n’avons pas. Nous ne cessons jamais d’être insatisfaits, du moins en partie par la vie que nous nous sommes organisé, si réussie puisse t elle être, parce que nous n’arrivons pas à être entièrement comblés par la réalité.
Dans ce bureau dépouillé de tout ce qui a fait mon univers pendant un an, je n’ai pas rendu grâce à la persistance de mon mariage, au rassurant confort de mon univers domestique ; je me suis simplement posé les éternelles questions sur la difficulté de tout choix de vie, sur notre incapacité à parvenir à la plénitude.
L’un des grands problèmes de l’agnostique, c’est que quand quelque chose de terrible lui tombe dessus, à lui ou à quelqu’un de proche, il n’a même pas le recours de mettre çà sur le compte de la volonté divine.
La religion "cet immense brocart musical mangé aux mites que l’on a tissé pour nous faire croire que nous ne mourrons jamais".
Quand les parents se retrouvent face à eux mêmes, ils se blâment de ne pas avoir donné assez à leur progéniture, ils se sentent coupables et responsables de…tout. Parce qu’à la joie et à la gratitude d’avoir des enfants se mêle un autre sentiment sous-jacent, ambivalent, celui que la vie serait certainement moins riche mais bigrement plus facile, s’ils n’étaient pas là.
Ce qui pose une autre question : pourquoi nous imposons nous des responsabilités qui sont porteuses de tant de souffrances, de doutes, de peurs ?
Ou bien est ce l’essence même de la condition humaine, et faut il accepter un " paradoxe fondamental " : la vie de famille est, par bien des aspects, une source de détresse ?
L’un des grands problèmes de l’agnostique, c’est que quand quelque chose de terrible lui tombe dessus, à lui ou à quelqu’un de proche, il n’a même pas le recours de mettre çà sur le compte de la volonté divine.
Assise au bord du lit je suis restée à le regarder dormir, à me demander pourquoi il était parfois si accessible, et parfois d’une opacité impénétrable. Après tant d’années, je découvrais qu’il y avait des pans entiers de sa vie et de ses pensées qui me demeuraient complètement inaccessibles.
Si tu arrives à me pardonner, si nous tenons le coup, si nous ne laissons pas un moment du passé détruire le bonheur de notre vie commune…
Oui nous avons toujours été très différents, toi et moi. Avec des centres d’intérêts qui appartenaient à l’un ou à l’autre. Et tu me reproches maintenant ce que tu fus autrefois : quelqu’un qui supportait difficilement la compagnie des autres.
Je me rends compte aujourd’hui que la solitude – cet état que je n’avais jamais connu et que je redoutais plus que tout, cet état différent de celui de la mort puisque l’esprit continue de tourner – ne me fait pas peur.
Pourquoi suis je restée avec toi ? Tu crois que je me serais accrochée à une vie qui m’aurait menée à une impasse complète ?
J’étais très immature. Non, j’ai cru à notre union parce que je ne voulais pas te perdre. Cette rancœur que tu exprimes, je l’ai gardée dans mon âme en espérant qu’un jour tu te confierais à moi. Mais j’étais incapable à tes yeux de comprendre et tu t’es fais un devoir de le faire comprendre à nos filles.
J’ai cru qu’un couple çà se construisait peu à peu. Et ce n’est tout de même pas comme si nous nous étions entre déchirés pendant plus de 32 ans !
Non on a refoulé. On a toujours fui les vrais problèmes, on s’est toujours dérobé devant les vraies questions.
Je pensais qu’on s’était toujours bien entendus, tous les deux, qu’on avait trouvé un accord sur les choses les plus importantes, notamment l’éducation de nos enfants, qu’on était capables de cohabiter sans se regarder en chiens de faïence. Et maintenant tu me dis que c’était un enfer pour toi et que tu as préféré te taire.
Mes larmes ont séché, la stupeur initiale avait été remplacée par une sourde douleur. Je résistais à l’envie de t’appeler sur ton portable pour entendre ta voix, de te supplier de nous laisser une seconde chance, de te démontrer que recommencer sa vie à notre âge n’avait rien de simple.
Je voulais encore me convaincre que ta scène n’avait été qu’une manière de libérer la tension accumulée ces dernières semaines, une explosion de colère sur laquelle tu reviendrais.
La sincérité de tes propos ne m’a pas échappé. ni la détermination dont tu as fait preuve. Tu m’avais exposé tes frustrations accumulées pendant des années, après avoir préparé ton départ même si tu es parti sans ta brosse à dent comme tu te plais de dire !
Maintenant que je me retrouvais seule, c’était tellement bizarre, cette vacuité après des années et des années où chaque instant s’était inscrit dans un emploi du temps serré, même quand les enfants avaient commencé à voler de leur propres ailes.
Avec le recul, j’étais frappée par la place contradictoire quil avait occupée dans ma vie ; sans partager cette routine, il avait été sans cesse présent, m’appelant dans la journée ou venant déjeuner avec moi le midi. Et il avait toujours paru apprécier cette vie et nous avions surmonté les écueils, les premiers ajustements d’une vie conjugale, les contraintes paternelles, la maladie de nos enfants, le vide ressenti après le départ des grands…
Nous étions une exception à la règle de la vie conjugale moderne !... du moins je le croyais.
J’aurais été bien en peine de trouver une réponse à ces questions. Un tourbillon d’émotions contradictoires maintenait mon esprit dans la confusion la plus totale.
Amour, haine, angoisse, amertume, désespoir, rage se mêlaient en moi. Tantôt je me détestais, tantôt je me donnais raison. Arrogance, humilité, optimisme, abattement, perplexité, doutes et encore plus de doutes… Mais qu’y a t il de mal à douter ?
Comment se prétendre capable de tout voir en noir et blanc quand la condition humaine se décline dans d’innombrables nuances de gris ? Les êtres les plus proches de nous prennent des initiatives qui nous laissent pantois et à notre tour nous réagissons d’une manière que nous ne comprenons pas entièrement. Alors, oui le doute…
Maintenant que tu as fait ton acte de courage en prenant la fuite, je vais faire le mien: partir pour d'autres horizons, qui je l'espère ne pourront être pires.
CE POURRAIT ETRE LE DEBUT D'UN ROMAN MAIS C'EST LA FIN DE MON HISTOIRE.
" Quand je suis faible, c’est alors que je suis fort, "
II ° Epitre aux Corinthiens, chapitre 12, verset 10".
Merci à tous ceux qui ont bien voulu me lire et regarder mes toiles.